ÉVALUATION APPROFONDIE DU PROGRAMME DE PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION AIGUE SEVERE (MAS) ET DOCUMENTATION DES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS APRÈS PLUS DE 10 ANNÉES DE MISE EN ŒUVRE AU NI

UNICEF
ÉVALUATION APPROFONDIE DU PROGRAMME DE PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION AIGUE SEVERE (MAS) ET DOCUMENTATION DES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS APRÈS PLUS DE 10 ANNÉES DE MISE EN ŒUVRE AU NI Request for proposal

Reference: LRFP- 9136949
Beneficiary countries or territories: Niger
Registration level: Basic
Published on: 17-Jan-2018
Deadline on: 31-Jan-2018 17:46 (GMT 1.00)

Description

 

  1. CONTEXTE

 

Malnutrition aiguë et chronique

Les prévalences de malnutrition aiguë globale (MAG) et sévère (MAS) au Niger sont depuis plusieurs années consécutives, proches ou au-deçà du niveau d'alerte (> 10%), pouvant facilement atteindre le seuil critique fixé par l’OMS (> 15%). Les autres formes de malnutrition sont également très répandues, avec par exemple 42% des enfants de moins de cinq ans souffrant d'un retard de croissance (enquête nutritionnelle 2016 basée sur la méthodologie SMART) et des taux d’anémie chez les moins de 5 ans dépassant les 70% (DHS 2012).[1]

L'insécurité alimentaire chronique et aiguë est l'un des principaux facteurs sous-jacents. Au cours de la dernière décennie, le Niger a fait face à trois situations d’urgence déclarées en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle (en 2005, 2010 et 2012), ce qui a eu un impact non négligeable sur l’état nutritionnel de la population et notamment des enfants de moins de 5 ans. Cependant, quelle que soit les années (bonnes ou mauvaises récoltes), la prévalence de la malnutrition aiguë reste très élevée. Outre l'insécurité alimentaire, la prévalence élevée des maladies infectieuses, le manque de services de santé préventifs et curatifs, le manque d'eau potable et d'installations sanitaires, ainsi que des pratiques non adéquates de soins pour les nourrissons, les enfants et leurs mères influencées par des normes sociales très fortes entraînent des niveaux de sous-nutrition, aiguë et chronique, élevés et persistants. La désagrégation des prévalences en fonction des groupes d’âge révèle des prévalences de MAG et MAS particulièrement élevées chez les enfants de 6 à 23 mois.

 

Mise à l’échelle du programme de prise en charge de la MAS

Au Niger, la mise à échelle progressive du programme de prise en charge de la malnutrition aiguë sévère (PCIMAS) a été initiée après la crise de 2005. Cette mise à l’échelle rapide (entre 2009 et 2011) a été facilitée par l’évolution au niveau global du traitement de la malnutrition[2] et de l’adoption d’un protocole de prise en charge de la MAS basé sur le traitement en ambulatoire des cas de MAS sans complication, grâce aux Aliments Thérapeutiques Prêt à l'Emploi (ATPE). Le Niger a développé son premier protocole de prise en charge de la malnutrition en 2005, mis à jour ultérieurement en 2011 et 2016, conformément à l'évolution des directives mondiales.

Actuellement, la prise en charge de la MAS fait partie intégrante des soins de santé primaires de routine et est fonctionnelle dans tous les CSI et hôpitaux du pays (922 structures sanitaires au total, incluant 44 hôpitaux nationaux, régionaux et de district), ainsi que dans quelques cases de santé dotés d'un personnel qualifié.

L’UNICEF et ses partenaires ont traité en moyenne 370 000 enfants annuellement dont 55 000 à 60 000 (15% – 20%) enfants MAS présentant une complication médicale et nécessitant des soins hospitaliers intensifs.

 Le nombre d'enfants pris en charge annuellement représente quasiment 100% de la cible estimée. Or les enquêtes de couverture réalisées à l’échelle de quelques districts sanitaires laissent sous-entendre que la couverture de la PCIMAS au niveau national n’atteindrait pas les 50%, ce qui laisse à penser que la méthodologie utilisée au niveau international consistant à multiplier le nombre d’enfants de moins de 5 ans par la prévalence de la MAS et d’appliquer un facteur de correction (2,6) afin de prendre en compte l’incidence sous-estimerait le nombre d’enfants souffrant de MAS au Niger. Une étude récente[3] indique que le facteur de correction dans le contexte du Niger serait de 2 à 5 fois plus élevé que celui utilisé actuellement.

 

Partenariat

Le programme est dirigé par le ministère de la Santé avec le soutien de l'UNICEF pour l'approvisionnement et la distribution des ATPE et autres intrants jusqu'au niveau des districts sanitaires, un appui technique global incluant la formation, le suivi/supervision, l'intégration du dépistage au sein d'autres interventions déjà en place, un appui aux enquêtes / évaluations régulières, ainsi qu’une contribution aux coûts des ressources humaines des agents de santé dans certaines structures hospitalières. Les ONG, financées directement par ECHO ou leur propre financement (ex. MSFs) soutiennent le fonctionnement quotidien du programme, y compris le coût des ressources humaines au niveau des CSI et des hôpitaux, ainsi que le transport des intrants des districts sanitaires vers les CSI. Ils participent également aux enquêtes / évaluations / suivis, formations et dépistages localisés.

En 2017, l’UNICEF a mis en place un système pilote de gestion de la chaîne d'approvisionnement afin d’assurer la distribution et le contrôle des approvisionnements (en ATPE, en suppléments de micronutriments, et en une sélection de médicaments essentiels) des districts sanitaires vers les structures de santé. Ce pilote couvre les régions de Maradi et Zinder qui rassemblent près de 60% des cas de MAS pris en charge. Ce système est basé sur des transporteurs du secteur privé, responsables du transport des intrants nutritionnels des districts sanitaires vers les CSI, avec le médecin chef du district au centre du dispositif. En effet, c’est lui qui est chargé de contacter les transporteurs, de leurs transmettre les quantités d’intrants à transporter et de vérifier que les quantités ont bien été livrées. Ce projet pilote a débuté en octobre 2017 et fournira des informations détaillées sur le coût et l'efficacité de l'utilisation des transporteurs privés pour approvisionner les structures de santé. Ces données seront à leur tour utilisées pour encourager le gouvernement à mobiliser des fonds pour le transport des intrants nutritionnels.

Le cluster Nutrition a été officiellement activé au Niger en 2010. En 2012, suite à une demande des partenaires Nutrition, en particulier ceux impliqués dans les secteurs du relèvement précoce et du développement, le cluster a changé de nom pour devenir le Groupe Technique Nutrition (GTN), coordonné par la Direction de la Nutrition avec l’UNICEF comme co-coordinateur. Le GTN se réunit sur une base mensuelle et assure la coordination des interventions aussi bien de développement que d’urgences nutritionnelles.

En parallèle à cet organe de coordination nationale, les ONGs financées par ECHO ont créé en 2013, sous financement ECHO, l’Alliance, un autre organe de coordination constitué de 4 sous-comités (Nutrition, Sécurité Alimentaire, Suivi-Évaluation et Plaidoyer). L’Alliance a été créée dans un but de favoriser la synergie entre les interventions nutrition et sécurité alimentaire pour un maximum d’impact dans le cadre de la mise en place d’un système durable de prise en charge de la malnutrition. Les ONGs membres de l’Alliance sont également membres du GTN. Le rôle de l’Alliance au sein du GTN reste à définir.

 

Résultats / impact du programme

Au cours de la dernière décennie, 2,6 millions d’enfants ont été admis dans les programmes de prise en charge de la MAS, avec des indicateurs de performance dépassant les normes minimales internationales (standards SPHERE), contribuant ainsi à la réduction de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans au Niger[4]. Dans les 44 hôpitaux, l’appui d'ONG et les investissements conséquents y afférents pour le traitement de la MAS a permis de renforcer la  prise en charge globale au niveau des services de pédiatrie. Au total en 2015, environ 130,000 enfants (dont plus de 55,000 enfants sévèrement malnutris) ont été traités dans les services de pédiatrie soutenus par les ONGs.

Le programme a ainsi contribué au renforcement significatif des capacités dans le pays. Par exemple, le nombre de personnes impliquées dans la réponse nutritionnelle au sein du gouvernement / Ministère de la Santé a évolué d'une équipe de 3 personnes en 2007 à une Direction de la Nutrition employant plus de 40 personnes dont des points focaux nutrition au niveau des régions et des districts.

Le programme a également contribué à soutenir certaines approches préventives telles que la promotion et le conseil en ANJE, les activités WASH in Nut et l'intégration du dépistage de la MAS au sein des programmes de santé tels la PCIME-communautaire ou le programme de chimio prophylaxie saisonnier (CPS) du paludisme couvrant 28 des 44 districts que compte le Niger et touchant plus de 2,6 millions d'enfants chaque année. Comme le montre le graphique 4, les résultats de la campagne CPS 2016 couplée au dépistage précoce de la MAS a entraîné une diminution des hospitalisations des enfants MAS pendant la période de soudure (juillet à novembre).

Dans cette dynamique de changement et d’innovation, le Niger a développé sa toute première politique multisectorielle de sécurité nutritionnelle en 2015, suivie d'un plan d'action budgétisé et d'une analyse coût-efficacité des interventions nutritionnelles spécifiques (2017).

 

  1. JUSTIFICATION DE L’ÉTUDE

 

Le programme PCIMA est en pleine évolution, incluant une variété d'interventions spécifiques et sensibles à la nutrition. Cependant, les prévalences de malnutrition restent élevées et évoluent très lentement dans le temps. Depuis la mise à l’échelle de la PCIMA au Niger, un certain nombre de défis et de questions n’ont toujours pas trouvé de réponse. Quelques-uns de ces défis sont listés ci-dessous :

  • Le recours au financement et au partenariat humanitaires: Depuis sa mise en œuvre (il y a plus de dix ans), la PCIMA est largement financée par des ressources humanitaires. Au cours des deux dernières années du cycle de programmation actuel, le gouvernement a acheté des ATPE deux fois, contribuant à environ 2% des besoins annuels. Au cours des 5 dernières années les dépenses annuelles pour le traitement de la MAS ont été estimées à environ 40 millions de dollars. La moitié de ce montant est consacré à l’achat d’ATPE et autres intrants nutritionnels et médicaux, tandis que l’autre moitié couvre les besoins pour la mise en œuvre générale, principalement via les ONG internationales. On estime qu'environ 80% du traitement de la MAS est soutenu par des ONG (toutes internationales, sauf une ONG nationale – BEFEN/ALIMA). En plus du soutien technique et logistique, les ONG et l'UNICEF couvrent également une partie des coûts des ressources humaines des hôpitaux du gouvernement pour assurer une qualité de traitement adéquate. On estime que plus de 2000 agents de santé sont financés par le programme PCIMAS.

 

ECHO est l'un des principaux bailleurs de fonds, contribuant à hauteur de 50% du coût du programme UNICEF pour la prise en charge de la MAS, tout en finançant à 100% des coûts de fonctionnement des ONG. D’autres bailleurs de fond comme le gouvernement Japonais ou Américain (USAID) ont apporté une contribution considérable, ainsi que les fonds CERF qui ont financé la prise en charge lors de la première année du cycle actuel du programme, avec une contribution ultérieure se focalisant uniquement sur les situations d'urgence (Diffa). Des contributions plus restreintes mais régulières sont reçues de la part de l'Espagne et de l'Allemagne.

 

De leur côté, les ONG dépendent presque à 100% du financement d'ECHO. En 2016, certaines des ONG clés dans le traitement de la MAS (par exemple, MSF) ont commencé à se retirer – pour des raisons à la fois financière et de pertinence d’intervention liée à leur mandat humanitaire. Depuis un an, on observe une diminution générale des ressources pour la prise en charge de la MAS. ECHO a commencé à réduire progressivement sa contribution et des discussions sont en cours sur l’arrêt probable des financements d’ECHO pour le traitement de la MAS d'ici à 2019. Récemment, suite au retrait des ONGs, quelques communes ont commencé à allouer des ressources locales au financement du personnel de santé et volontaires communautaires de quelques CRENI.

 

  • L’utilisation inappropriée des ATPE confirmée par un audit organisé par l'UNICEF en 2014. Les défis majeurs de la chaîne d'approvisionnement des ATPE et autres produits thérapeutiques sont d’autres obstacles à la pérennisation des programmes PCIMA.

 

  • La couverture théorique estimée du programme PCIMA est très élevée alors que des enquêtes de couverture localisées suggèrent le contraire. Étant donné les nombreux obstacles à l'accès aux soins de santé, notamment géographique (par exemple> 50% de la population vit à plus de 5 km des établissements de santé) et les obstacles socio-économiques, la couverture théorique mériterait d’être remise en question. Des incohérences supplémentaires dans la couverture et l'utilisation des services MAS sont observées dans le suivi décentralisé (MORES), où l'utilisation continue des services élevée (avec des estimations supérieures à 100%) est en contradiction avec les goulets d'étranglement identifiés que sont la couverture géographique, la qualité, la disponibilité des ressources humaines ou bien même des intrants.

 

  • La consommation d’ATPE moyenne par enfant est significativement plus faible (104 sachets par traitement) que la moyenne mondiale (156 sachets par traitement). Une des explications qui reste à confirmer pourrait être liée au fait que la majorité (environ 70%) des enfants MAS ont moins de 2 ans, avec un faible poids à l'admission et donc requiert des quantités plus faibles par rapport à la moyenne globale.
  • La proportion élevée d’enfants MAS dans un contexte où des interventions de prévention sont mises en œuvre. Dans 17 communes où des interventions nutritionnelles préventives sont mises en œuvre (en partenariat avec des ONG impliquées également dans la prise en charge de la MAS), environ 25% des enfants de moins de 5 ans auraient reçu un traitement MAS, dont 6% plus d'une fois au cours des 12 mois précédant des enquêtes LQAS (2015 et 2016).

Étant donné l’impact de la malnutrition sur la mortalité et le bien-être des enfants, la pérennisation des programmes PCIMA reste une priorité. Compte tenu des défis soulignés plus haut, et face aux financements d’urgences qui vont en s’amenuisant, la prise en charge de la MAS doit inévitablement être repensée et restructurée. Une évaluation approfondie de la PCIMA au Niger sur les 10 dernières années doit permettre d'identifier les leçons apprises et les orientations nouvelles permettant de repenser la stratégie PCIMA prenant en compte les changements dans le contexte actuel du Niger en termes de financement et de partenariats.

 

  1. OBJECTIFS DE L’EVALUATION ET RESULTATS ATTENDUS

 

L’objectif général est de conduire une évaluation approfondie des services de prise en charge de la MAS mis à l’échelle sur les 10 dernières années et d'identifier les leçons apprises et autres éléments pouvant confirmer ou infirmer la pertinence, l'efficacité, l'efficience et la durabilité des actions mises en place. Ces informations permettront de repenser et réorienter le programme de prise en charge de la MAS au niveau national et renseignera le prochain cycle de programmation de l’UNICEF.

De manière spécifique, cette évaluation permettra de répondre aux questions suivantes tout en prenant en compte le facteur équité (disparités selon le sexe, l'âge, l'emplacement géographique, etc.):

  • Quelle sont les taux de couverture géographique et populationnelle réels du programme ?
  • Quels sont l'efficacité et l'efficience du programme dans sa structuration actuelle (décrite dans les Sections 1 et 2) en prenant en compte les rôles et les responsabilités des différentes parties prenantes ?
  • Dans quelle mesure les approches innovantes existantes au Niger (ex. PB-mère/PB-ménage ; utilisation de transporteurs privés pour gérer une partie de la chaîne d’approvisionnement, etc.) peuvent-elles contribuer à l’efficacité et la pérennité du programme PCIMA ?
  • Quels sont les options envisageables pour la pérennisation du programme PCIMA ? Quels en sont les obstacles/goulots d’étranglements majeurs?

     

  1. RÉSULTATS ATTENDUS

 

Au terme de cette évaluation, le gouvernement disposera de conclusions concernant :

 

  1. Une évaluation du programme PCIMA incluant les leçons apprises de la mise en œuvre sur les 10 dernières années et des recommandations pour sa pérennisation et l’amélioration de son efficacité
  2. Au moins 2 études mettant en exergue les spécificités du programme PCIMA au Niger par rapport à l’expérience globale et utilisables pour un plaidoyer au niveau national et global
    • Étude de cas sur le système pilote de gestion de la chaîne d'approvisionnement, de distribution et de monitoring des intrants en santé et nutrition des districts sanitaires vers les structures de santé dans les régions de Maradi et Zinder
    • Etude de cas sur la faible consommation des ATPE et le coût de traitement de la MAS dans le contexte du Niger
 

[1] Des problèmes de qualité dans les données d’enquête nutritionnelle sont à souligner avec des prévalences de malnutrition aiguë sévère improbables (ex. 6% MAS à Maradi en 2015 – Enquête ENISED 2015 ; 21% MAS à Diffa en 2012 – EDSN 2012).

[2] WHO. Community-based management of severe acute malnutrition, A Joint Statement, World Health Organization, World Food Programme, United Nations System Standing Committee on Nutrition and United Nations Children’s Fund, 2007 (updated 2011)

WHO. Guideline: Updates on the management of severe acute malnutrition in infants and children. 2013

[3] Challenges of Estimating the Annual Caseload of Severe Acute Malnutrition: The Case of Niger; Hedwig Deconinck, Anaïs Pesonen, Mahaman Hallarou3, Jean-Christophe Gérard, André Briend, Philippe Donnen, Jean Macq

[4] Lancet – Mortality countdown